Un jour comme ça
Il y a des jours comme ça qu’on aimerait ne pas vivre. Où qu’on aimerait recommencer. Des moments qui nous échappent totalement sans qu’on n’y soit pour quoi que ce soit parfois. Pour lui, ce jour-là fut un jour comme ça.
On n’est jamais vraiment tout à fait soi le jour d’un examen. À plus forte raison le jour d’un oral. Il y a d’abord ce stress qui vous envahit, la boule dans l’estomac, les questionnements, les remises en question de soi, et puis la peur du jury, cet inconnu qui du haut de son savoir vous regarde vous débattre d’un air amusé dans vos hésitations, vos doutes et votre trouille immense.
Lui avait tout ça au fond de lui. Mais c’était un garçon solide, capable de garder à en lui ce bouillonnement intérieur sans qu’il n’y paraisse rien à l’extérieur. Il était le premier à passer cet après-midi là , mais un autre garçon attendait déjà devant la salle, nonchalamment appuyé contre la porte, au fond du long couloir. Alors qu’il s’approchait, il repensa aux paroles d’un camarade de classe, ayant passé l’oral quelques heures plus tôt avec le même jury. Un frisson le parcouru. Une question lui trottait dans la tête. Arrivé à hauteur de la salle, il se décida à apostropher le garçon :
- Salut. Dis-voir, on m’a dit que le jury de ce matin, c’était un gros connard. Tu crois qu’on aura le même ?
Le garçon esquissa un sourire gêné.
- Bonjour. Oui c’est bien le même jury. Hum. Vous êtes sans doute Jean-Luc Gerbois ? Vous êtes en avance… Mais si vous êtes prêt, installez-vous.
Pas de chance, ce jour-là , le jury était un jeune homme de 23 ans, habillé en jean et sweat-shirt, et à peine plus âgé que cet élève de lycée professionnel dont il était chargé d’évaluer le savoir. Jean-Luc pouvait bien se maudire : même s’il n’était en rien coupable, cette journée resterait longtemps la pire journée de sa vie.