Les "fous"

L’ambiance est bizarre dans le bus de 17h14. Bien qu’étant en début de ligne, il est déjà comble quand j’y monte. Et les gens qui y sont assis ont l’air… étrange.

En fait, ils me sont familiers, bien que je ne les connaisse pas. Ce sont les fous. Quiconque emprunte cette ligne régulièrement les a déjà vus, les fous. Enfin, ceux que nous, les “sains d’esprit” nous appelons “les fous”. Leur lieu de travail se situe au départ (ou au terminus, c’est selon) de la ligne. Un Centre d’Aide par le Travail destiné aux adultes déficients intellectuels. Mon premier réflexe a été de me dire “Oh la la, c’est leur heure de sortie, je vais me les coltiner tous les soirs. Pas question, demain je prends le bus de 17h24.”

Et puis, j’ai réfléchis et j’ai été confondue par ma propre stupidité. En quoi est-il dérangeant pour moi d’être dans le même bus que ces gens ? En rien. Bon, il y a bien ce gars qui demande à toutes les filles qu’il rencontre leur nom et leur numéro de téléphone (il m’avait déjà abordé il y a plus de deux ans de ça) mais il me parait bien inoffensif. Alors ? Le problème ne pouvait venir que d’une seule chose : ces gens sont différents. Et même moi, la fille qui se veut ouverte et tolérante, je me suis sentie mal à l’aise dans ce bus rempli de “fous”.

C’est vrai que leur différence est très visible, dans leur apparence, certes, mais surtout dans leur comportement. Ce qu’on remarque tout de suite dans le bus de 17h14, c’est le bruit. Ils se parlent, à voix haute, bien fort pour être bien entendu, car ils n’hésitent pas à s’adresser à quelqu’un qui serait installé à l’autre bout du bus. Du coup, tout le monde peut profiter de leur conversation.

Et puis, ils sont souvent sans gêne. Notamment la fois ou une maman est montée dans le bus avec une poussette dans laquelle un enfant pleurait bruyamment. L’un des “fous” de s’exclamer “Il va arrêter de chialer ce gosse ! “. Ce coup-là, je me suis mise à la place de la maman… J’ose espérer qu’elle n’a pas entendu, mais ça m’étonnerait.

Une autre fois, l’une d’entre eux a vu quelqu’un qu’elle connaissait à l’extérieur du bus ; elle s’est mise à taper contre la vitre en l’appelant “Henry ! Henry ! Ouhou, regarde-moi ! Je suis là ! Rhoooo, il ne me voit pas. Ouhou ! Henry ! Je suis là ! Henry ! Ouhou !…” Le bus était à l’arrêt, coincé par un camion, le gars était sur le trottoir en train de parler et elle râlait parce qu’il ne la voyait pas. On aurait vraiment dit une enfant. Ca a duré de longues minutes avant que le camion se décide à avancer.

Finalement, je crois qu’ils se fichent totalement de ce qu’on peut penser d’eux. C’est peut-être en cela qu’ils nous sont le plus différents. Et clairement, c’est eux qui ont raison.

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